Au lendemain de la signature du mémorandum entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie, une préoccupation majeure émerge quant à l’absence totale de débat interne sur cette décision cruciale. Dans un régime constitutionnel où le parlement joue un rôle limité, l’opacité entourant les choix, les décisions et la logique de l’État tunisien dans cette négociation soulève de sérieuses questions sur la transparence et la gouvernance démocratique. (Les Tunisiens n’ont-ils plus que la rue pour s’exprimer ?)
Par Hssan Briki
En Italie, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a répondu avec diligence aux questions et préoccupations des députés italiens concernant le mémorandum signé avec l’UE.
Le 19 juillet 2023, lors d’une séance parlementaire, le ministre Antonio Tajani a exposé en détail la vision de l’Italie concernant l’accord et a clarifié les raisons sous-jacentes de cette entente. Les députés ont eu la possibilité de participer activement au processus décisionnel, en le questionnant à propos chaque détail du mémorandum et les futures conventions, donnant ainsi une voix au peuple italien dans cette question importante. Cette approche transparente a renforcé la confiance du public envers le gouvernement et les institutions, démontrant une volonté de responsabilité et de démocratie participative.
Le ministre italien a souligné l’importance stratégique de la Tunisie en tant que partenaire crucial pour l’Italie, faisant valoir que la stabilité et la prospérité partagée avec l’Afrique sont des priorités pour le pays. En mettant en évidence les retombées positives de cet accord pour les générations futures, le ministre a cherché à impliquer pleinement le parlement italien dans le processus décisionnel.
En revanche, en Tunisie, la situation est marquée par une tout autre réalité. L’opacité règne en maître absolu, et aucun débat interne n’a été initié concernant le mémorandum signé avec l’UE.
Au niveau de l’UE, il y eut le même souci de transparence avec l’organisation d’une séance du Parlement européen consacrée à la discussion du mémorandum d’accord avec la Tunisie et les parlementaires ont pu interroger à ce sujet la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, lors d’une audition à la commission des libertés civiles.
Un vide démocratique préoccupant
Le parlement tunisien, dont le rôle est constitutionnellement limité, a été exclu de toute discussion sur cet accord crucial, laissant les citoyens dans l’ignorance totale quant à la direction prise par le président de la république Kaïs Saïed, seul maître à bord décidant pour 12 millions de Tunisiens. Cette absence de débat interne prive la population de son droit à l’information et à la participation dans les choix nationaux et internationaux du pays, créant ainsi un vide démocratique préoccupant.
L’opacité institutionnelle en Tunisie se manifeste également par le manque d’explication claire concernant les stratégies de négociation adoptées et la logique derrière les choix faits par les décideurs ou plutôt que LE décideur. Les citoyens sont laissés dans l’incertitude quant aux implications à long terme de cet accord avec l’UE, ainsi qu’à la manière dont il sera mis en œuvre. Cette absence de transparence fragilise la légitimité des décisions prises par l’État tunisien et mine la confiance des citoyens envers leurs représentants.
Un autre aspect troublant est le silence qui entoure le président Saïed, car il ne fait jamais l’objet de questionnements, que ce soit de la part du parlement ou des médias. Cette opacité dans sa communication avec le peuple tunisien est particulièrement troublante, puisque malgré ses éloges pour la démocratie directe, aucune initiative n’a été prise pour impliquer activement les citoyens dans la décision concernant le mémorandum.
Incohérence entre les discours et les actions
Alors que la démocratie directe, telle qu’elle est pratiquée dans des pays comme la Suisse, implique la tenue de référendums pour les questions cruciales, permettant ainsi aux citoyens de prendre des décisions qui auront un impact significatif sur leur pays, la Tunisie n’a pas offert aux citoyens cette opportunité démocratique dans cette situation.
En empêchant toute participation démocratique classique à travers le parlement ou des débats publics auxquels la société civile et les médias pourraient jouer un rôle, ni à travers une nouvelle approche qui assure la participation directe dans la décision dans ce genre de décision, même si elle était appliquée précédemment lors des occasions moins importantes que ce mémorandum, que ce soit sous forme de consultation nationale ou référendum.
Cette incohérence entre les discours et les actions du président suscite des doutes sur la sincérité de son engagement envers une véritable démocratie directe, privant ainsi le peuple tunisien de sa capacité à exercer son droit à l’information, à poser des questions pertinentes et à participer pleinement aux décisions nationales et internationales qui façonneront leur avenir.
Pour véritablement honorer les principes d’une démocratie, qu’elle soit représentative ou directe, il est essentiel qu’un débat interne transparent et ouvert soit permis. Cela permettrait une véritable participation citoyenne et une prise de décision démocratique, à travers les représentants tels que les députés, la société civile, les médias, ou en adoptant de nouvelles approches telles que des consultations ou référendums. Le plus important est que la décision soit prise à la suite d’un consensus national, garantissant ainsi sa durabilité et sa légitimité.
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