Dans la guerre que se livrent depuis un certain temps les boulangeries classées et celles dites non-classées, l’Etat semble avoir pris fait et cause pour les premières aux dépens des secondes. Est-ce la bonne décision ? On en jugera par ses conséquences qu’on ne tardera pas à observer sur le terrain…
Par Imed Bahri
La Tunisie compte 1153 boulangeries classées, qui bénéficient de la subvention de l’Etat, et 1.443 boulangeries non-classées, qui payent plus cher la farine distribuée par les services de l’Etat. En interdisant aux secondes d’utiliser la farine pour la fabrication du pain, comme décidé dernièrement par les autorités publiques, sur instruction du président de la république, la pénurie de pain observée au cours des derniers mois prendra-t-elle fin ? Qu’on nous permette d’en douter. Et pour cause…
L’Etat choisit son camp
Au cours d’une séance de travail sur l’approvisionnement en pain subventionné, mardi 1er juillet 2023, à laquelle participait également le président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, Samir Majoul, la ministre du Commerce et du Développement des exportations, Kalthoum Ben Rejeb, a souligné la nécessité de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la disponibilité du pain subventionné dans toutes les régions de la république et prévenir toute pénurie ou perturbation. Elle a aussi souligné la nécessité de renforcer les contrôles des contrevenants, indique un communiqué publié par le ministère.
Le président de la Chambre nationale des syndicats de boulangers, relevant de l’Utica, dont les membres vont bénéficier de la dernière décision de l’Etat, s’est engagé à assurer la disponibilité du pain subventionné, à soutenir les efforts de l’Etat en ce sens et à respecter les lois régissant le secteur. On ne pouvait en attendre moins que cela…
Au cours de la réunion, à laquelle assistait le président de la Chambre nationale des minoteries, relevant également de l’Utica, on a souligné l’importance d’assurer la coordination entre les deux chambres, qui tirent un bénéfice certain du système de compensation, afin de surmonter les différents obstacles pouvant affecter l’approvisionnement en pain.
A qui profite du système ?
La veille, le Groupement professionnel national des boulangeries modernes affilié à la Confédération des entreprises citoyennes tunisiennes (Conect), avait annoncé, de son côté, la suspension de la production de divers types de pain dans toutes les boulangeries qui y sont affiliées à compter du 1er août.
Son président Mohamed Jemmali a affirmé, aujourd’hui, mercredi 2 août, dans l’émission ‘‘Ahla Sbeh’’ sur Mosaïque FM, que les boulangeries modernes ne fabriqueront plus de pain parce qu’elles n’auront plus de farine pour le faire. Cela va se traduire par la fermeture de plusieurs boulangeries et une pénurie de pain dans certaines régions où celles-ci sont implantées, a-t-il déclaré. «Il y aura aussi une grosse perte d’emplois», a-t-il insisté. Et de lancer, sur un ton de défi, que les boulangeries modernes sont prêtes à vendre la baguette à 150 millimes (contre 200 millimes actuellement en vigueur) pour peu que l’Etat accepte de les approvisionner en farine subventionnée, laissant entendre que les boulangeries classées font d’importantes marges de bénéfice et profitent indûment du système de subvention mis en place par l’Etat. C’est ce qu’on appelle, dans le langage économique, une situation de rente, puisque le secteur n’est pas libre et est soumis aux autorisations délivrées par l’Etat.
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