La Tunisie est dans la pire des situations économiques, qualifiée de stagflation. La question qui se pose est de savoir s’il y a une vision suffisamment partagée et un programme soutenable de sortie de cette crise avec ses risques économiques, sociaux, politiques, sécuritaires et diplomatiques. Force est de constater qu’on est très loin de cette vision.
Par Elyes Kasri *
Avec une inflation galopante sans la moindre perspective de stabilisation à moyen terme et une hausse continue des taux d’intérêt freinant l’investissement et grevant la compétitivité, associées à une stagnation de la croissance qui a tout l’air d’une récession durable, la Tunisie est dans la pire des situations économiques qualifiée de stagflation.
Endettement extérieur et austérité économique
Selon l’enquête annuelle de la Conect, 84% des entreprises sondées ont vu leurs activités impactées par la crise sanitaire et 70% ont enregistré une régression au niveau de leur chiffre d’affaires. 140.000 TPE et PME auraient mis la clé sous la porte alors que 55.000 autres seraient sur le point de déclarer faillite, tandis que 11.000 dirigeants d’entreprises seraient en fuite à l’étranger, pour la plupart, condamnés à des peines de prison pour des affaires d’émission de chèques sans provisions.
Des économistes estiment que les choses devraient se compliquer davantage au cours des prochains mois surtout que la Tunisie est prise au piège de la spirale infernale de l’endettement extérieur croissant d’un côté et des contraintes d’austérité sociale et économique, condition préalable à tout financement par le FMI et les autres pourvoyeurs de fonds, de l’autre côté.
Il serait fallacieux d’imputer cette situation à la pandémie de covid-19 et à la guerre en Ukraine ou à quelque autre thèse complotiste, car depuis 2011, les théories économiques les plus fantaisistes, le clientélisme social et corporatiste, l’amateurisme et la corruption ne cessent d’ébranler les fondamentaux de l’économie nationale.
Eviter l’effondrement économique et l’explosion sociale
L’aboutissement qui se fait trop attendre des négociations avec le FMI (pour un nouveau prêt, Ndlr) est devenu urgent et capital pour éviter l’effondrement économique et l’explosion sociale.
La question qui se pose est de savoir s’il y a une vision suffisamment partagée et un programme soutenable de sortie de cette crise avec ses risques économiques, sociaux, politiques, sécuritaires et diplomatiques.
Bien que le désespoir soit interdit, la réponse ne semble malheureusement pas évidente.
Le pire qui pointe à l’horizon doit absolument être évité grâce à un consensus national sur un projet de société inclusif en mesure de rallier les Tunisiens ensemble et non pas les uns contre les autres.
* Ancien ambassadeur.
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