Académie tunisienne : l’«universel de traduction» selon Souleymane Bachir Diagne

L’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, Beit Al-Hikma, a organisé, le samedi 1er octobre 2022, à son siège à Carthage, la conférence inaugurale de l’année académique 2022-2023, sur le thème : «Défendre l’universel contre la pensée universaliste qui fragmente l’humanité», en présence des académiciens, des personnalités de la scène intellectuelle et médiatiques.

«Pour un universel de traduction», tel était le thème de la conférence donnée par le professeur et philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, reconnu comme l’un des philosophes les plus éminents de notre époque.

Né en 1955 au Sénégal, il est le premier Sénégalais à fréquenter l’Ecole normale supérieure de Paris, où il se spécialise en philosophie des sciences, après avoir fait ses classes préparatoires au prestigieux lycée Louis-Le-Grand (Paris). Depuis 2008, il enseigne la philosophie à la Columbia University de New York.

Pluralisme de l’humanité

Citoyen du monde, à constamment parcourir les trois continents Afrique, Europe et Amérique, Souleymane Bachir Diagne défend un pluralisme de l’humanité sans jamais abandonner l’idée d’un universel véritablement partagé par toute l’humanité. Sa pensée pourrait être condensée dans la citation de son illustre concitoyen Léopold Sédar Senghor : «L’orgueil d’être différent ne doit pas empêcher le bonheur d’être ensemble.»

Diagne explique, d’emblée, la différence entre universalisme et universel. Le premier, issu d’une pensée impérialiste conquérante, est présenté comme une posture, eurocentrée, généralisante à partir d’un particulier. Tandis que le second s’apparenterait à une volonté décoloniale, porteuse d’une pluralité de langues et en quête de perspectives de discussion à partir de la diversité.

La genèse de cet universel a été, selon Diagne, la conférence de Bandung (1955), dans un contexte d’après Deuxième Guerre mondiale, qui a vu émerger le paradigme postcolonial, qui accompagne l’entrée sur la scène internationale des pays décolonisés.

Babel horizontale

Souleymane Bachir Diagne revient sur l’épisode biblique, rapporté par le Livre de la Genèse, relatif à la chute de Babel, suite à laquelle les hommes virent leur langue commune brouillée par Dieu afin qu’ils ne se comprennent plus, et ils furent dispersés sur toute la surface de la Terre. Diagne dit, à ce propos, que cette chute ne doit plus être considérée comme une punition divine mais, au contraire, comme une opportunité de nouer des liens entre les hommes, à travers la traduction. Babel devrait, ainsi, être envisagée comme horizontale et non plus verticale.

Cette horizontalité de la traduction correspond à la vision de Souleymane Bachir Diagne d’un universel à construire de manière latérale.

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