Placée dans le groupe de la France, en compagnie du Danemark et de l’Australie, les Aigles de Carthage devront se montrer vigilants dès la première minute de la compétition. Au gré des circonstances, ce rassemblement de quatre équipes pourrait se transformer en groupe de la mort. Et pas seulement pour les Nord-Africains. Explications…
Par Jean-Guillaume Lozato *
La Tunisie s’est qualifiée pour la Coupe du Monde de football Qatar 2022. C’est devenu une habitude. Le moment de vérité approche pour une nation à qui il incomberait de passer le premier tour à l’instar du Maroc en 1986 et de l’Algérie en 2014.
La grande kermesse du football proposera des débats sur et hors du terrain, sur fond de géopolitique tendue et de revendications sur le thème du non-respect des droits de l’Homme en terre qatarie.
Dans ce contexte, quelles sont les chances de la Tunisie ?
De prime abord le palmarès tunisien est à prendre en compte. Puis à repenser en fonction du parcours, de l’effectif et des trois matchs de poule. Pour pouvoir finalement établir une ébauche de projections.
Un profil, un schéma
Sur le plan continental, la Tunisie est une référence incontestable du ballon rond, détentrice d’une CAN, patrie d’un Ballon d’Or africain avec l’inoubliable Tarak Dhiab, elle figure au sein des nations africaines représentées le plus de fois à la World Cup, y ayant accompli l’exploit d’être la première formation arabe et africaine à avoir remporté un match (3-1 contre le Mexique au Mundial argentin de 1978). Avec une participation un peu moins flamboyante vingt ans plus tard, mais loin d’être ridicule non plus, inaugurant un cycle de présences régulières (2002 et 2006 éditions ponctuées par des erreurs d’arbitrages au détriment des Maghrébins). Russie 2018 a vu le Mondial de foot retrouver la présence de la Tunisie.
Le groupe actuel regorge de bonne volonté, et ce malgré la polémique autour de la non-convocation de Saîf-Eddine Khaoui. Il compte des éléments bons bien que pas toujours compatibles avec certaines options tactiques. Ainsi la rapidité gagnée dans le jeu par rapport à il y a quelques années se voit contrebalancée par le manque de coordination entre les lignes. Dans cette optique, un joueur comme Ferjani Sassi serait à redécouvrir positivement, aussi bien dans une fonction stabilisatrice du milieu que dans un rôle de briseur des lignes adverses. Une sorte de pivot idéal pour veiller au replacement et compléter l’activité de Hannibal Mejbri.
Passons aux extrémités du onze aligné sur le terrain. Le rôle de base qu’est gardien de but étant pourvu par trois gardiens de but de qualité, voire quatre en cas de défaillance, le réservoir de défenseurs peut compter sur l’impact technique de Ali Maâloul. Cependant, le jeu aérien défensif semble bien meilleur que celui offensif, ce qui ne facilite pas forcément la transmission vers les pointes. Certes Wahbi Khazri, Toussef Msakni et Naîm Sliti sont des attaquants confirmés, expérimentés, mais ils manquent de coordination pour se montrer décisifs en certaines occasions. Peut-être le dernier nommé au jeu plus sinueux saura-t-il jouer sur l’inconstance pour dérouter les adversaires et pourrait marquer contre une équipe du profil de la France. Ce qui nous amène aux inévitables prédictions de tout amateur de ballon rond.
Une chevelure porte-bonheur?
Etablir des projections pour un événement sportif de cet ordre revêt quelque chose de magique, d’incertain. Donc de passionnant. Et la passion, la Tunisie a su la provoquer en renversant par exemple le Nigéria à la dernière Coupe d’Afrique. Et avec un joueur talisman comme Mejbri, dont la chevelure «palmier» n’est pas sans rappeler le très talentueux meneur de jeu colombien Carlos Valderrama.
Là aussi, les Tunisiens disposent d’un moyen de déconcerter l’adversaire. Certains joueurs connaissent le championnat de France par où sont passés nombre des actuels Champions du Monde 2018.
En fait, si l’Australie semble une équipe à la portée de ses homologues, elle pourra poser problème comme elle a fait avec le Pérou en match de barrages. Surtout sur le plan aérien. Les Socceroos forment un piège que les hommes du sélectionneur Jalel Kadri devront contourner. Ces joueurs venus de l’autre bout du globe pourront néanmoins leur rendre service indirectement. C’est-à-dire en partageant les points avec la France, voire en la battant, en profitant des coups de pieds arrêtés.
La France, elle, devrait battre le Danemark, qui lui sera l’adversaire le plus à craindre pour Anis Ben Slimane et ses coéquipiers. Si ces derniers poussent Danois et Français à s’entretuer, ils pourraient même créer la surprise en terminant premiers du groupe, éviter l’Argentine au second tour et accéder aux quarts de finales. Voilà pourquoi affronter les champions du monde en titre n’est pas exclusivement un honneur sous forme de cadeau empoisonné.
Un groupe difficile mais ouvert
La Tunisie du football se retrouve donc dans un groupe difficile mais ouvert. Les footballeurs tunisiens pourraient profiter de plusieurs facteurs. Par exemple, le fait de compter dans leur équipe des membres du championnat local, surtout de l’Espérance de Tunis qui assure une certaine cohésion. N’oublions pas les apports conséquents de Slimani et Soudani à l’équipe d’Algérie en 2014 alors qu’ils évoluaient en championnat algérien. Mais aussi des joueurs connaissant des championnats étrangers majeurs, ou mineurs puisqu’évoluant dans la Péninsule Arabique et étant familiarisés avec le climat de territoires comme l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis ou le Qatar.
La Tunisie a ses chances. A elle de les exploiter. Et de les attirer avec son «palmier» au milieu de l’étendue désertique qatarie afin de chasser les esprits de la cinglante défaite 5-1 récemment infligée par les Brésiliens en amical et se rapprocher davantage de la prestation lors des toutes récentes victoires méritée 2-0 sur le Chili et 3-0 sur le Japon.
* Enseignant de langue et civilisation italienne en France, auteur de « Italie – Tunisie : entre mitoir réfléchissant et miroir déformant ».
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