«Le mal de voir, ou lorsque la culture est menacée par ceux qui l’administrent», titre l’auteure cette tribune où elle dénonce l’interdiction d’une journée scientifique en hommage à l’architecte franco-tunisien Clément Cacoub, dans le palais de Skanès, à Monastir, qu’il avait lui-même conçu.
Par Saoussen Nighaoui *
Hier au Palais de Skanès à Monastir, une manifestation scientifique et culturelle fut interdite : une journée scientifique en hommage à Clément Cacoub, concepteur du Palais du marbre et de plusieurs autres édifices publics et privés de la Tunisie indépendante, dont le Palais présidentiel de Carthage et la première chaîne d’hôtels touristiques en Tunisie.
Et ceci intervient 24 heures après le drame de la synagogue de la Ghriba, à Djerba. Quelle coïncidence ? Une figure de l’architecture moderne en Tunisie, de confession juive, interdite de cité dans le palais qu’elle a conçue et dont elle a dirigé les travaux.
Les étudiants venus spécialement de Tunis par bus, invités à suivre une véritable leçon d’architecture sont rentrés frustrés parce qu’on leur a dit : «Rentrez chez vous la manifestation n’aura pas lieu».
Qui a décidé? Qui a estimé que la journée n’a pas lieu d’être? Importe peu le niveau de responsabilité, sachant que la ministre des Affaires culturelles était en déplacement dans un pays lointain. Celui qui a pris une telle décision a commis un crime contre la culture et contre la mémoire de ce pays. Cela montre le degré d’incompétence et d’inconscience de plusieurs parmi les responsables de la culture et du patrimoine dans nos administrations en charge du patrimoine.
Clément Cacoub, bâtisseur d’une nation touristique: la Tunisie.
Et dire que notre stratégie de lutte contre l’extrémisme et le fanatisme reposerait sur un pilier fondamental, à savoir la diffusion de la culture de la diversité et de la reconnaissance de l’«Autre» parmi notre jeunesse. Nous sommes loin de ces choix, nous sommes ainsi dans les choix absurdes, le «mal de voir» et la politique de l’autruche.
Les architectes de la ville de Monastir sont en colère, ainsi que ses intellectuels si fiers de leur héritage fait de créations modernistes et de figures emblématiques, dont la figure de Habib Bourguiba qui devrait se retourner dans sa tombe hier. **
* Doctorante en patrimoine.
** Le titre est de la rédaction.
Donnez votre avis