Cécile Oumhani est poète, romancière et universitaire. Elle se définit comme écrivaine franco-britannique-tunisienne. Née en 1952 à Namur, elle a publié une trentaine d’ouvrages, dont certains en Tunisie, chez Elyzad.
L’écriture de Cécile Oumhani, épurée, mêle espaces ouverts et paysages intérieurs, mémoires intimes et lieux de voyage, l’actualité soumise à des impressions et des regards marqués de tendresse, où poésie et narration s’enchevêtrent dans une volonté moderniste.
Quelques titres en poésie : Loin de l’envol de la palombe, 1996; Des sentiers pour l’absence, 1998; La nudité des pierres, 2013; La ronde des nuages, 2022.
Tahar Bekri
Vaste bulle de lumière
elle chasse les nuages
ils pesaient alentour,
étouffaient pensées et lendemains
La huppe franchit les espaces à tire d’aile
rêves légendes terres
furtive passagère à
le temps d’une prairie et d’un regard
Messagère de Kodaikanal du Cap Bon
jusqu’à ce pays de buis et de combes
elle m’appelle
touches légères
brefs échos des ailleurs dont on me fit don
avec la vie
Qu’est-ce qu’un lieu que sont les lieux,
sans relâche ils naviguent notre corps
butin silencieux d’un passé qui s’obstine s’attache
inscrit l’absence des lointains
goût salé de ce que l’on perd regrette
Mots et couleurs s’entrechoquent
au fil de l’eau de la mémoire
franchissent l’encre de mes doigts
II
J’écoute le silence de la neige
gris comme le ciel obscurci
l’avenir est là enfoui dans l’immensité du gris
tapi parmi les flocons
seule la voix d’un ruisseau
se faufile à mes pieds
souffle d’une langue étrange à mon oreille
sourde à la blancheur, elle heurte l’arête des pierres
Je voudrais la comprendre
elle n’est ni celle de mon père ni celle de ma mère
elle court entre les mots des deux langues
autre impénétrable chant de ce qui est
et que je découvre
étourdissante beauté de la neige
la morsure d’un barbelé
au bout de mon doigt
encre rouge sur la neige
l’image enfermée dans le présent
s’acharne aux parois de la mémoire
III
réparer la brèche
là où ni jour ni nuit ne comblent l’absence
quelles terres là-bas si loin de mon regard
Madurai Aberdeen
reste la toile d’un carnet le sien
grain rugueux comme le regret
et la promesse de ses pages offertes tant d’années après
infini voyage de papier
silence où il n’a pas eu le temps
juste celui de prévoir peut-être
(où qu’ils soient les chemins
finissent par s’effilocher s’interrompre)
y retrouverai-je l’encre de ses yeux assoiffés d’ailleurs
à l’ombre de mes doigts
l’écho des histoires parties avec elle parties avec sa voix
déroute des mots ils s’égarent
lents prisonniers au mirage de la mémoire
le papier ignore les horloges
et les continents naviguent les océans
jusqu’à plus soif
Septembre 2021
(Remerciements à l’auteure).
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