Le poème du dimanche : ‘‘La transhumance dans les rues mortes’’ de Jameleddine Hamdi

La poésie de Jameleddine Hamdi, restée souvent classique dans sa forme, est marquée par une vision sombre et pessimiste, dans un romantisme douloureux et mélancolique, social et politique.

Né en 1935 à Kebili, dans le sud-ouest tunisien, Jameleddine Hamdi a poursuivi ses études à l’université de la Zitouna dont il fut expulsé par les conservateurs. Il s’installe en France pour quelques années. Puis rentre en Tunisie, tour à tour, enseignant, animateur de radio et correcteur à la STD. Il décède en 2000.

A publié en arabe : Des bords abandonnés (1972), Des régimes de dattes en argent (1972), La blessure de mon cœur, 1994.

Tahar Bekri

L’illusion se rebelle… m’assiège

Et moi tenaillé par le doute

Les paupières du passé me pleurent

Dans mes yeux les larmes du présent

Les valises de mes voyages ont été volées

Dans des ruelles remplies de diables

Dans lesquelles je marchais seul

La peur comme un tir de balle dans mon oreille

O duperie de parcours de mes ans

Dans les rues mortes ô tromperie !

***

Je m’arrête parfois j’interroge le présent et le futur

J’écris sur mon cœur pour les gens

Une poésie saignée qui jaillit de mon être

Mais je les trouve comme des fantômes

Réveillant mes morts dans les cimetières

D’un passé usé brûlé par mes soupirs

Je reviens à moi-même pour la maudire

Et mes paroles meurent dans ma gorge

***

La lumière dans mes yeux se meurt

Ce qui arrive a les portes fermées

La cellule de ma prison m’essore

Et la prison a un geôlier puissant

Je suis dans la loi de mes compatriotes

Un fou aux nerfs égarés

Les paupières ont fauché ses pleurs

Les amis par trahison s’en sont dispersé

Les jours l’ont fait chuter

Dans une mâchoire au croc empoisonné

***

Mes pages sont lasses de mes fatigues

La colère dans mon encre tourbillonne

Le silence morne me tue

Le désespoir explose sans tarir

J’attends et mes regards sont cousus

Après la nuit naîtra-il le jour ?

O terre triste pour un peuple

Dont le sang coule des rivières !

O terre triste pour une patrie

Couverte d’obscurité et qui s’écroule !

La Marsa, Tunisie, 1984.

Trad. de l’arabe par Tahar Bekri

Revue ‘‘Ashi’r’’ (La poésie), n° 11, Tunis, 1985.

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