‘‘The Dublin King’’: Henri VII Tudor avait la ficelle un peu grosse; et pourtant elle a tenu

La vérité est-elle la fille de l’Histoire elle-même issue du pouvoir politique ? Ce livre traitant de l’Angleterre de la fin du XVe siècle semble le prouver.

Dr Mounir Hanablia

En 1485 après plus d’une trentaine d’années de guerre civile entre les descendants d’Edward III, la crise du pouvoir semble se conclure à la bataille de Bosworth en 1485 par la mort du Roi Richard III et l’accession du prétendant Henri Tudor débarqué de France au trône d’Angleterre, qui épouse la fille du Roi décédé Edward IV pour se concilier le parti yorkiste.

Cependant cela n’empêche pas d’autres prétendants au trône de se manifester de la manière la plus surprenante. Ainsi en est il de celui qui fut nommé le Roi de Dublin, un enfant de 9 ans couronné en Irlande sous le nom d’Edward VI et soutenu par un parti formé de la duchesse Margaret de Bourgogne, sa tante paternelle, de Lord Lincoln son cousin, et de Lovett, un abbé. On a prétendu que l’enfant serait Edward Warwick, fils de Georges de Clarence, et neveu des Rois Richard III et Edward IV.

Cependant le mystère s’installe quand au même moment, un autre Edward Warwick se trouve sous la garde de Margaret Beaufort, la mère du Roi en exercice Henri Tudor (devenu Henri VII), et est exhibé dans les rues de Londres pour démontrer le mensonge des opposants.

Le bal des prétendants

L’affaire semble trouver une issue à Stoke quand l’armée du Roi triomphe et que le prétendant, Edward VI, surnommé Lambert Simnel par les chroniqueurs officiels, est selon eux fait prisonnier et devient le cuisinier du Roi, ou son fauconnier.  Mais d’aucuns prétendent qu’Edward VI a fui après la bataille et a regagné la Flandre chez sa tante Margaret. Et cela semble se confirmer puisque l’âge du cuisinier appelé Lambert Simnel, environ 17 ans, ne correspond nullement à celui du Roi enfant. De surcroît les nobles Irlandais venus rendre hommage au Roi Henri VII ne reconnaissent pas dans ce cuisinier celui qui s’était fait couronner à Dublin. Comment un doute sur l’identité véritable d’un ennemi du régime aussi dangereux a-t-il pu être  entretenu?

Quelques années plus tard, toujours venu de Flandre, un autre prétendant au trône débarque en Angleterre, qui cette fois prétend être Richard de Tewkesbury dit d’Angleterre, fils d’Edward IV et frère de la reine Elizabeth, qui a épousé en secondes noces une princesse écossaise et dispose de l’appui de contingents armés envoyés par son beau-père, qui lui aussi se méprend sur l’identité de son beau-fils, ainsi qu’il faudrait le croire. Celui-ci est capturé, et la propagande Tudor l’accuse d’être un certain Perkin Warbeck, d’origine flamande, un jeune homme d’environ 19 ans.

Aux alentours de 1499, un troisième larron est lui aussi facilement mis sous les verrous, un certain Ralf Wilford qui lui aussi prétendait être Warwick le fils de Georges de Clarence. Cette fois pourtant, elle a de lourdes conséquences. Henri VII décide de se débarrasser de tous ces prétendants aux trônes, Edward Warwick, Percy Walbeck, et Ralf Wilford. à un point tel qu’il apparaît que ce Wilford n’est qu’un agent victime d’une provocation et manipulé par la police secrète du Roi, une sorte de Lee Harvey Oswald avant l’heure.

Ainsi Henri VII consolide finalement son pouvoir contre tous ses opposants, et acquiert plus de crédit auprès des souverains catholiques d’Espagne dont il convoite la fille, Catherine d’Aragon, pour devenir l’épouse de son fils Arthur.

Le roi des fake news

L’autre question qui évidemment se pose concerne le soutien par la duchesse de Bourgogne, Margaret d’Angleterre, à ceux qu’elle considère comme ses neveux au point de leur accorder les soutiens financier et militaire nécessaires à leurs tentatives de conquête de la couronne d’Angleterre. Si elle l’a fait, c’est qu’elle avait la certitude de leurs identités véritables. Cela suppose que le duc de Warwick, détenu par le Roi Henri, ait été un imposteur. Autrement dit, son père Georges de Clarence par précaution aurait fait remplacer son fils dès son plus jeune âge et l’aurait confié à un seigneur irlandais, Lord Kildare, afin qu’il l’élève, et c’est ce dernier qui le moment venu l’aurait confié à sa tante Margaret de Bourgogne.

Ce dont on est sûr c’est que le Roi Henry est absolument convaincu de détenir la personne véritable, au point de se poser la question sur le soutien selon lui étrange de la duchesse de Bourgogne envers des imposteurs qui ne sont pas ses neveux. Il n’empêche, à trop faire l’innocent, il y est certainement lui-même pour quelque chose.

Henri Tudor, contrairement aux Rois qui le précèdent, semble disposer d’une police secrète véritable qui lui permet de se maintenir sur le trône et de fonder une nouvelle dynastie. Cette police mène donc le combat contre les opposants les plus dangereux par les fake news, en fabriquant de fausses rumeurs qui entretiennent le doute et l’ambiguïté dans l’esprit du public au point d’entamer la crédibilité sur leur identité véritable. Ainsi des événements survenus auparavant sont réinterprétés en fonction des besoins de la dynastie Tudor.

La déposition d’Edward V par le Parlement en raison de la bigamie dûment constatée de son père Edward IV est transformée en usurpation du trône par Richard III au détriment de ses neveux qui auraient été enfermés puis assassinés par ce dernier, leur oncle; aucune preuve n’y sera apportée mais cette thèse a l’avantage pour lui de légitimer son entreprise d’usurpation.

Si tel avait été le cas, on ne voit pas pourquoi Isabelle, la future épouse de Henri Tudor, aurait échappé au châtiment. Le phénomène est que ce travail de consolidation de la dynastie Tudor, un véritable travail de sape et de remise en question, se poursuit sous Henri VIII et Elizabeth Ière. Et la lutte contre le papisme (catholicisme) leur gagne l’appui populaire et crée le sentiment national, mis à mal depuis la défaite de  de la guerre de cent ans.

Des façons de se débarrasser de ses opposants

Il y a donc plusieurs façons de se débarrasser de ses opposants. L’une est de les faire exécuter sans autre forme de procès. L’autre est de fabriquer des rumeurs justifiant les mesures que l’on s’apprête à prendre contre eux, et qui sous Henri Tudor, remettent en question leur identité établie. La troisième est évidemment le processus judiciaire une fois leur crédibilité suffisamment entamée par les rumeurs au point de ne pas susciter de protestations contre les accusations dont ils sont les victimes.

Il faut reconnaître que dans le cas des ennemis de Henri Tudor, il ne s’agissait pas uniquement de rumeurs mais d’entreprises armées visant à abattre son régime politique, exactement comme lui-même l’avait fait contre son prédécesseur. On ne peut donc lui faire grief d’avoir pris les devants en dénigrant les entreprises de ses détracteurs par l’accusation de forfaiture. Il s’avère que cette défense est tellement efficace qu’aujourd’hui le vrai est soigneusement protégé par un tissu de mensonges.

Certes les analyses génétiques permettent désormais d’établir les liens de parenté avec la plus grande fiabilité. Mais encore faudrait-il détecter les lieux de sépulture des bonnes personnes, bien souvent enterrées justement afin qu’elles ne deviennent pas des lieux de rassemblement, de communion, d’opposition. Les localiser depuis le temps des Tudor n’a évidemment rien d’évident.

* Médecin de libre pratique.

‘‘The Dublin King: The True Story of Lambert Simnel and the ‘Princes in the Tower’’’, de John Ashdown-Hill, éd. The History Press Ltd, 5 janvier 2015, 224 oages.

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