La fin de l’Empire Soviétique ne suscite plus qu’un intérêt marginal. Et encore, n’est elle désormais prise en compte que dans une vision géostratégique relative à la présente guerre russo-ukrainienne et à la légitimité des revendications des protagonistes.
Dr Mounir Hanablia
On arguera toujours que les empires ayant une fin inéluctable, celui-ci n’aura pas dérogé à la règle. Certes! Mais il demeure étonnant que le pays le plus vaste du monde et disposant des ressources naturelles quasiment illimitées se soit effondré avec le mur de Berlin comme un château de cartes, sous l’effet de l’alcoolisme ainsi qu’on l’a prétendu, et n’ait pas réussi à empêcher la réunification allemande, décrétée unilatéralement par le chancelier Helmut Kohl, dont il s’avère que la France et même les Etats-Unis ne l’eussent considérée selon l’auteur qu’avec la plus grande circonspection.
Faisant face à des difficultés économiques et financières considérables, Gorbatchev s’est trouvé face à un dilemme, celui d’intégrer une Europe dominée par l’Allemagne, tout en sauvegardant l’Union Soviétique. Le corollaire géostratégique à une Allemagne de nouveau puissante a été la perte du glacis extérieur de l’Empire constitué par les pays de l’Europe de l’Est, à commencer par la Pologne, dont l’occupation avait déclenché la seconde guerre mondiale. Mais c’est le nationalisme périphérique des marges de l’Empire, pays baltes et du Caucase, les plus petits, considérés comme les plus faibles, qui en aura finalement eu raison, au moment même où l’émergence de l’Etat proprement russe, incarné par Boris Eltsine, entrera en concurrence avec les institutions soviétiques, puis s’y substituera.
Les soubresauts politiques russes
L’échec du coup d’État immédiatement avant le nouveau traité de l’Union censé garantir sa survie, suivie par l’interdiction du Parti communiste russe n’a fait que consacrer la fin de l’Union Soviétique, officialisée à Belovej le 7 décembre 1991 par une déclaration des présidents russe, biélorusse, et ukrainien.
Les soubresauts politiques russes ultérieurs opposant la présidence à un parlement nostalgique de la grandeur passée avec l’intervention de l’armée au bénéfice du premier qui fera 150 morts, n’y changeront rien.
Il n’en demeure pas moins que si la question des armes nucléaires a été réglée, au bénéfice de la Russie, celle du différend territorial russo-ukrainien n’a pas été abordée.
Plus que cela, Boris Eltsine a entériné l’exigence du président ukrainien de l’intangibilité des frontières héritées de l’Union Soviétique. Est-ce à dire que la Russie n’a aucun droit à revendiquer une part quelconque du territoire ukrainien? Toujours est-il que contrairement aux thèses occidentales et ukrainiennes, le contentieux territorial n’est pas né avec Vladimir Poutine, pas plus que le problème de l’élargissement à l’Est de l’Otan.
En effet, lors de la réunification de l’Allemagne, le secrétaire d’Etat américain James Baker avait proposé à Mikhaïl Gorbatchev soit un retrait des forces de l’Otan d’Allemagne, soit l’interdiction de tout stationnement de ses forces à l’Est de la frontière allemande, c’est-à-dire dans les anciens pays du Pacte de Varsovie. Le plus étrange c’est que cette proposition n’ait pas été suivie du traité en bonne et due forme que le président soviétique puis son successeur russe eussent été en droit d’exiger. Si donc la guerre a fait rage en Ukraine 30 ans plus tard, c’est aussi à l’incompétence et à l’imprévoyance des dirigeants de l’époque qu’on la doit.
La politique nazie à l’Est
En dépit de l’érudition de l’auteur et de sa remarquable capacité à éclairer sur un sujet complexe, en particulier les relations conflictuelles dans la vie politique au sein de la Fédération de Russie, dont la classe politique tunisienne aurait pu s’inspirer pour éviter les dérives qui ont conduit le pays vers l’autoritarisme qui prévaut aujourd’hui, le livre pourtant publié en 2015 après l’annexion de la Crimée par la Russie n’aborde pas la question cruciale de la politique nazie à l’Est, c’est-à-dire dans le grenier à blé ukrainien, si semblable par ses moyens et dans ses objectifs, à celle mise en œuvre aujourd’hui par les Etats-Unis et l’Europe en Ukraine, et qu’on ne peut nullement mettre sur le compte de la folie de Vladimir Poutine.
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