Continuer à parler de spéculation et de spéculateurs pour justifier les pénuries de pain, de sucre et de café, dont se plaignent depuis plusieurs mois les Tunisiens, c’est guerroyer contre des moulins à vent ou prendre les Tunisiens pour des idiots. Ce qui leur arrive d’être parfois, mais pas au point d’avaler d’aussi grosses couleuvres. Explications…
Par Imed Bahri
La question de la pénurie de pain dans certains gouvernorats, comme Kairouan et Siliana, a été au centre de l’entretien tenu, samedi 20 mai 2023, au palais de Carthage entre le président de la république Kaïs Saïed et la ministre du Commerce et du Développement des exportations, Kalthoum Ben Rejeb Guezzah.
«Cette situation est due aux tentatives menées par certains pour exaspérer la situation et inventer des crises», a indiqué Saïed, selon un communiqué publié par la présidence de la république. «La pénurie de pain dans un gouvernorat est inadmissible, alors qu’il est disponible dans d’autres régions avoisinantes», a-t-il ajouté.
Ces lobbys qui «abusent du peuple»
La rencontre a porté également sur l’absence ou le manque enregistré au niveau d’autres produits dans certaines régions, comme à titre d’exemple le café et le sucre, et ce, en raison du monopole, de la spéculation et le contrôle des circuits de distribution par certains lobbys qui «abusent du peuple», a ajouté la même source.
Le président a appelé toutes les institutions de l’Etat à assumer leurs responsabilités pour mettre fin à cette situation et à ces pratiques, lit-on encore dans le même communiqué, qui n’a pas cru devoir nous rapporter les réponses apportées par la ministre du Commerce et du Développement des exportations. Laquelle, comme tous les autres membres du gouvernement, est totalement inaudible et ne se sent pas redevables d’explications à l’opinion publique. Elle se contente d’opiner de la tête lorsque le président parle, encaisse et ne dit rien, même pas pour se défendre ou pour se justifier, alors que tout le monde dans le pays sait que les explications que donne le président du phénomène des pénuries sont de plus en difficilement acceptables. Elles méritent en tout cas d’être nuancées. Et pour cause…
Depuis le temps qu’il nous parle de monopoles, de spéculation et de contrôle des circuits de distribution par des lobbys d’intérêt, Kaïs Saïed pense-t-il vraiment qu’on va finir, de guerre lasse, par le croire?
Cherchez l’erreur !
Cela fait plus de deux ans que le président de la république nous rebat les oreilles avec ces histoires de spéculation et que les unités sécuritaires annoncent, quasi-quotidiennement, la découverte de dépôts illégaux et la saisie de diverses marchandises, sans que l’Etat ne parvienne à venir à bout de ce fléau qui, selon le chef de l’Etat, est la principale cause des pénuries de produits de première nécessité.
Le chef de l’Etat a pourtant fait promulguer le Décret-loi n°2022-14 du 20 mars 2022, relatif à la lutte contre la spéculation illégale, prévoyant de lourdes sanctions contre les spéculateurs, et il pensait pouvoir utiliser ce texte pour mettre fin à ce phénomène. Mais quatorze mois plus tard, force est de constater que les résultats sont maigres.
Sauf à croire que l’administration publique est gangrenée par la corruption et qu’elle est complice des spéculateurs, ce que le président n’est pas loin de penser, la cause des pénuries est à rechercher ailleurs. Surtout lorsqu’il s’agit du pain, du sucre et du café, produits évoqués par le président, et dont l’Etat, à travers l’Office de commerce de Tunisie (OCT), a le monopole de l’importation et donc, forcément, de la distribution. Or, tout Tunis sait que l’Etat traverse une mauvaise passe financière et qu’il a des difficultés à financer ses exportations, les fournisseurs, eu égard ces difficultés, exigent souvent d’être payés à la livraison, et en devises fortes, d’où certains retards enregistrés dans l’approvisionnement du marché.
Aussi, continuer à parler de spéculation et de spéculateurs concernant les pénuries de ces produits, c’est guerroyer contre des moulins à vent ou prendre les Tunisiens pour des idiots. Ce qui leur arrive d’être parfois, mais pas au point d’avaler d’aussi grosses couleuvres. Tout de même!
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