Le sommet Etats-Unis-Afrique 2022 qui vient de commencer à Washington pourrait être l’occasion de placer le continent sur une trajectoire de développement viable en créant les conditions d’attractivité de l’investissement privé et en plaidant pour le renforcement des moyens des institutions internationales de développement. (Ph. Département d’Etat américain).
Par Ould Amar Yahya *
L’Afrique a certes subi les ravages de l’esclavage, de la colonisation et du pillage de ses ressources, sans compensation ni demande de pardon. Mais l’Afrique se doit, pour avancer, d’éviter la victimisation permanente et le rejet sur l’étranger de tous ses maux. D’autant qu’elle regorge de richesses.
Aujourd’hui, le Continent a des besoins en infrastructures qui entravent son développement tels que les routes, les chemins de fer, l’électricité, l’eau, l’éducation, la santé, le numérique… et un impératif de mettre fin à ses exportations de matières premières brutes en les transformant localement.
Ces besoins de financement sont évalués à environ 600 milliards de dollars américains pour permettre au Continent d’émerger et de bénéficier des avantages de la mondialisation.
Seul l’investissement privé peut assurer le financement d’un tel montant, puisque les institutions de développement ne disposent pas de ressources suffisantes et les réformer dans un cadre multilatéral n’est pas simple et demanderait du temps, ce que l’Afrique ne peut attendre.
Ce que les Etats-Unis peuvent faire pour l’Afrique
La crise géopolitique actuelle est un moment d’opportunité pour les Etats-Unis et l’Afrique de mettre en place un partenariat mutuellement profitable, afin pour les Etats-Unis de contrer les efforts d’influence de la Russie et de la Chine sur le Continent et pour les pays africains d’avoir un accès aux marchés internationaux de capitaux dans des conditions de financement favorables.
Cela demande de combler le déficit de confiance entre les deux partenaires.
A- Garantie du Trésor américain :
Pour le financement des besoins en infrastructures et industries de transformation, le Trésor américain pourrait émettre des garanties à hauteur de 50% des montants des émissions obligataires des pays africains (limitées à 300 milliards dollars), sur une durée de 25 ans. Ces émissions obligataires sont destinées aux financements des infrastructures et industries de transformation réalisées par des entreprises américaines ou celles de pays acceptés par les Etats-Unis.
Cela n’impactera pas la dette américaine, ne coutera rien aux contribuables américains, fera même gagner de l’argent au Trésor US (coût de la garantie) et encouragera l’arrivée sur le continent de capitaux privés à des conditions favorables.
En cas de mise en jeu de la garantie, comme aucun pays ne peut se passer du dollar et que sa compensation est assurée par la Federal Reserve (Banque centrale des Etats-Unis), le Trésor US est assuré de la couverture du montant mis en jeu.
Cette garantie pourrait également faire l’objet de conditionnalités pour chaque pays : démocratie, droits de l’homme, surveillance du FMI (stabilisation macro-économique pour éviter les dépréciations des monnaies pouvant impacter, notamment la rentabilité de l’investissement privé…)
Cette garantie partielle du Trésor US permet une amélioration des ratings de la dette africaine.
Les trois grandes agences internationales de notation (Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch) qui contrôlent 96% du marché mondial et qui ont évalué le risque d’insolvabilité dans 33 pays africains, considèrent aujourd’hui que les investissements dans tous ces pays sont spéculatifs, voire totalement perdants, exceptés ceux au Botswana, pays exportateur de diamants.
Certains pays ont des contrats avec ces agences, d’autres pas. Parmi les pays ayant fait l’objet de notation, il y a entre autres : l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Angola, la Tunisie, le Sénégal, le Rwanda, l’Ethiopie, le Maroc, le Ghana, le Kenya, le Gabon, la Tanzanie, le Mozambique…
Ces alertes internationales, très médiatiques, à grandes diffusions sur l’insolvabilité des Etats africains sont dramatiques, surtout pour ceux qui n’ont pas demandé d’être notés.
Cette situation expose le continent à un risque d’inattractivité et d’abandon des investisseurs.
La notation d’un pays est une référence incontournable pour les investisseurs, elle leur indique la probabilité de non remboursement de la dette de celui-ci.
Les principaux actionnaires de ces agences sont des fonds de gestion d’actifs américains.
Elles sont assez indépendantes dans leur jugement. On se rappelle en 2011 des décisions de Standard & Poor’s de dégrader les notes de l’Etat Fédéral Américain et de la France.
Les décisions de ces agences sont considérées comme des opinions, donc elles sont protégées par le premier amendement de la Constitution américaine relative à la liberté d’expression. Autrement dit, elles sont juridiquement inattaquables…
B- Soutien américain auprès des institutions de développement
Les institutions de développement ont les moyens de financer les réalisations d’études de faisabilité des grands projets d’infrastructures et d’industries de transformation en Afrique afin de fournir une base décisionnelle aux investisseurs privés quant aux rentabilités de tels projets.
Elles peuvent assister à la mise en place de marchés financiers africains pour permettre à l’investisseur privé de pouvoir vendre ses prises de participations, quand il le souhaite.
Enfin, ces institutions peuvent aider l’Afrique à accélérer la constitution de sa Banque Centrale pour ne pas attendre la date prévue de 2045, totalement aberrante et inacceptable.
La profondeur des marchés financiers africains et leur attractivité dépendent en grande partie de la future devise africaine.
La mise en place rapide de cette Banque Centrale Africaine et l’émission de sa cryptocurrency ou monnaie électronique africaine (avec le financement de sa plateforme sécurisée, …), constituerait un catalyseur dans l’accélération de l’intégration des économies africaines.
Attendre la convergence des économies africaines pour la création de la monnaie africaine reviendrait à admettre que l’économie est une science exacte et qu’il n’existe aucun mécanisme de rattrapage d’un pays plus riche par un pays à faible revenu. Ce qui est totalement erroné.
Suite à la crise du Covid et de la guerre en Ukraine, dans la zone euro d’aujourd’hui, plus aucun pays ne respecte les quatre critères de convergence établis par le traité européen de Maastricht avec un niveau d’inflation à1,5%, un endettement par rapport au PIB de 60%, un déficit budgétaire à 3% du PIB… Cela n’a pas empêché l’Euro de garder sa parité avec le dollar américain et n’a pas engendré un écart significatif des revenus dans cette zone.
* Economiste, banquier, financier.
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