Beaucoup de Tunisiens s’étonnent, à juste titre, de l’impuissance que montre l’Etat à démasquer et à mettre hors d’état de nuire ceux qui, par leurs pratiques monopolistiques et spéculatives, cherchent à «affamer le peuple», et que le président de la république ne cesse de désigner à la vindicte populaire.
Par Imed Bahri
Hier encore, lundi 20 février 2023, «la lutte contre les pratiques monopolistiques et spéculatives et les moyens de faire face à quiconque tente d’affamer le peuple» étaient au centre d’une rencontre, au Palais de Carthage, entre le président de la république, Kaïs Saïed et le ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine, et le directeur général de la Sûreté nationale, Mourad Saïdane.
Selon un communiqué de la présidence, Saïed a déclaré qu’«il est paradoxal que des marchandises s’entassent par milliers de tonnes dans des entrepôts alors que l’Etat s’évertue à les importer de l’étranger pour des sommes exorbitantes».
«De nombreux navires chargés de marchandises restent en mer pendant de longues périodes, s’étendant sur plusieurs semaines. Le peuple se procure ces marchandises pour être doublement puni. Il paie le prix de ces produits mais aussi et surtout le lourd tribut des pratiques de spéculateurs», a déploré le chef de l’État, laissant ainsi entendre, comme souvent, que la Tunisie vit actuellement dans l’opulence («des marchandises s’entassent par milliers de tonnes dans des entrepôts»), que l’Etat n’a aucune responsabilité dans les pénuries récurrentes de plusieurs produits dont se plaignent les citoyens et que celles-ci sont causées sinon par les méchants opposants du moins par quelques personnes mal intentionnées qui cherchent à «affamer le peuple».
Ce récit présidentiel, beaucoup de Tunisiens mettent en doute sa véracité. Les autorités sécuritaires et judiciaires seraient donc bien inspirées d’en apporter les preuves tangibles, ce qui tarde encore à être fait, et ce ne sont pas les annonces de la découverte de quelques entrepôts illégaux ici ou là qui peuvent constituer ces fameuses preuves, puisque ces annonces sont rarement suivis de sanctions judiciaires.
Quoiqu’on en dise, et sans aller jusqu’à démentir le président de la république, les autorités publiques ont un sacré problème de crédibilité avec la gestion de la soi-disant lutte contre les «pratiques monopolistiques et spéculatives», un véritable serpent de mer dont tout le monde parle mais que personne n’a encore vu. Car de deux choses l’une, ou bien, cette affaire de spéculation est exagérée par les autorités publiques pour masquer leur incapacité à assurer l’approvisionnement du marché en produits de première nécessité (médicaments, lait, huile végétale, sucre, café, thé, etc.), ou bien ces mêmes autorités sont incapables de lutter efficacement contre des pratiques frauduleuses qui visent à provoquer des pénuries et à augmenter les prix. Et dans les deux cas, elles n’ont pas le beau rôle. Au contraire…
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