Winston Churchill avait dit aux Anglais lors de l’entrée du Royaume-Uni dans la deuxième guerre mondiale : «: « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur». On devrait pouvoir dire aujourd’hui la même chose aux Tunisiens, en enlevant le mot «sang» à dessein car notre pays n’est pas en guerre.
Par Pr. Najib Ben Ayed *
Je crois qu’il faut retrouver sa raison et apporter plus de précision. Trop de choses sont dites de façons passionnée et imprécise, au sujet des discussions et montants miroités pour la Tunisie, par l’Union européenne (UE).
1- L’offre de l’UE porte sur un crédit de 900 millions d’euros qui ne sera finalisé qu’après la signature de l’accord de crédit avec le Fonds monétaire international (FMI), et 250 millions d’euros qui seront décaissés tout de suite indépendamment de l’accord avec le FMI. Ces 250 millions serviront à secourir un trésor public exsangue.
2- Tout est conditionné par un accord avec le FMI.
Comme le disait feue Margaret Thatcher: «TINA» (There is no alternative). Et à mon sens c’est la voie de la jeunesse.
Élections ou pas! On n’en a rien à foutre. D’ailleurs l’accord avec le FMI ne résoudra pas nos problèmes. Ce n’est pas une sortie du tunnel. C’est un rayon de lumière. Nécessaire voire vital.
3- L’exposé des motifs de Fitch Rating mentionne ce que nous n’avons cessé de rappeler, à savoir que le budget de l’Etat, qui se démène à trouver 7,7 milliards de $ pour l’année en cours (16% du PIB), devrait se démener pour trouver autant pour le budget 2024, 7,4 milliards de $ soit 14% du PIB. C’est dans 6 mois! On n’est pas prêt à sortir de l’auberge! C’est le tonneau des Danaïdes !
4- Au tout début de ce siècle, et contrairement à ses principaux partenaires européens, qui affichaient une bonne santé économique, l’Allemagne était plongée dans une profonde crise économique : taux de croissance en berne, taux de chômage élevé, excédent commercial qui s’effiloche, bref tous les ingrédients d’une crise économique qui s’annonçait longue et meurtrière. Aux commandes de l’Allemagne, le chancelier Gerhard Schroeder venait d’être réélu pour un nouveau mandat. Qu’a-t-il fait?
Au risque de perdre sa popularité et les élections suivantes, il avait entrepris de réformer en profondeur l’économie allemande. Plus de ligne rouge syndicale qui tienne. Le chômage n’est plus rémunéré qu’au quart de ce qu’il fût. Fini les contrats de travail en plomb.
Résultat : l’Allemagne redémarre. Alors que notre chancelier Schroeder battit des records d’impopularité et perdit les élections suivantes. Ce fut ensuite une vingtaine d’années de prospérité avec la chancelière Angela Merkel, non pas grâce au génie de celle-ci, mais grâce aux réformes de son prédécesseur, le chancelier Schroeder, qui a sacrifié sa carrière personnelle pour le salut de son pays.
5- Bien sûr qu’au point où nous en sommes, notre situation n’a rien à voir avec celle de l’Allemagne au début des années 2000. J’entends par là, que nous sommes dans une situation économique infiniment plus grave. De quoi a-t-on besoin ?
Un Schroeder qui vient secouer gravement le peuplier.
Qui vient nous dire comme Churchill à l’adresse des Anglais pour leur entrée dans la deuxième guerre mondiale : «Je n’ai rien à offrir que du labeur, des larmes et de la sueur». J’ai enlevé «du sang» à dessein car nous ne sommes pas en guerre.
* Economiste.
Source : Economics For Tunisia, E4T.
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