J’ai été très ému en apprenant la restauration et la réouverture, il y a déjà un an, de Tourbet El-Bey**, dans la médina de Tunis, après des décennies de négligence et d’abandon, tant ce monument a compté pour l’enfant que j’étais au lendemain de l’indépendance de la Tunisie, en 1956. L’espoir est de voir les autres monuments de la médina remis en valeur, car ils ont une importance historique et architecturale inestimable.
Par Khémaïs Gharbi *
En émigrant à l’étranger il y a plus de soixante ans, une partie de mon être est restée à Tourbet El-Bey, mon quartier natal. Depuis ma naissance, Tourbet El-Bey a été le pilier de mon existence. La Tunisie et Tourbet El-Bey se confondent pour moi, se mêlant, se complétant pour former un tout indivisible.
Tous les souvenirs de mon pays natal prennent vie dans ce lieu. Mes premiers jeux, mes premiers camarades, mes premiers amis, mes premières aventures, et même les premiers battements de mon cœur à l’adolescence. Tout se déroulait à Tourbet El-Bey, y prenait sa source et s’épanouissait nulle part ailleurs.
Tourbet El-Bey représente mon acte de naissance, ma carte d’identité, mes racines, mon point d’ancrage et ma boussole. Il symbolise également mes premiers pas pour devenir adulte, brisant les chaînes pour aller à la rencontre de mon destin. C’est entre ses murs que j’ai tracé le plan de mon émigration, le nouvel itinéraire de ma vie. C’est sur la place de Tourbet El-Bey et adossé au mur de son mausolée que j’ai pris cette décision cruciale.
Cette décision a été involontairement influencée par les récits des mille et une nuits qu’Ommi nous racontait lorsque nous étions enfants. Ces contes orientaux illustraient le pouvoir de la narration pour susciter l’intérêt, instaurant un suspense captivant qui nous aidait à nous endormir. Cette magie transportait nos esprits dans un univers de mystères et d’aventures infinies.
C’était dans notre maison à Tourbet El-Bey, que les histoires prenaient vie. C’était là, peut-être que j’ai puisé plus tard mon désir de suivre les héros de ces contes des mille et une nuits, de partir, moi aussi, à la recherche de mon destin à travers le monde, à la quête d’un cadre de vie que mon pays natal ne pouvait m’offrir.
Où que l’on aille, notre quartier natal imprègne notre personnalité de manière indélébile, nous façonnant à son image et nourrissant nos veines de la sève de ses racines, instillant en nous une fidélité indéfectible.
À la moindre nouvelle, bonne ou mauvaise, le concernant, nos cœurs s’emballent. Que le mal le frappe ou qu’un agresseur le menace, nous nous retrouvons sur le chemin du retour, le fusil en bandoulière, le chant national résonnant dans nos esprits, tandis que les images de Tourbet El-Bey défilent dans le cœur de celles et ceux qui sont natifs de ce lieu incomparable.
* Traducteur et écrivain.
** Le monument est la dernière demeure des souverains de la dynastie des Husseinites qui a régné en Tunisie jusqu’en 1957.
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