Alors qu’Israël qui est l’émanation du mouvement sioniste et qui a bénéficié de l’appui et du soutien totales du Royaume-Uni pour pouvoir être créé il y a exactement 76 ans, The Economist vient de brosser un tableau actuel de la situation qui prévaut dans l’Etat hébreu. «Colère, larmes et récriminations», écrit en prélude le magazine britannique. (Illustration : manifestants anti-Netanyahu à Jérusalem).
Imed Bahri
Tout d’abord, The Economist considère que les «dangers externes» s’illustrent à travers les frontières où Israël est coincé dans une «guerre catastrophique» à Gaza qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens et suscité une vague de protestations et de poursuites judiciaires de Tel Aviv l’accusant de violer les règles internationales ainsi que «la montée de l’antisémitisme dans le monde», selon l’analyse du magazine britannique.
Le président américain Joe Biden a également commencé à restreindre les livraisons d’armes à Israël pour le dissuader d’envahir complètement Rafah, au sud de la bande de Gaza, et pour calmer ses détracteurs aux États-Unis.
The Economist poursuit : «Le tableau est également sombre en dehors de Gaza, où le Hezbollah mène une guerre d’usure contre Israël depuis le sud du Liban forçant ainsi des dizaines de milliers d’habitants des deux côtés de la frontière à abandonner leurs maisons. La région entière est devenue plus dangereuse, car les Houthis au Yémen ciblent la navigation dans la mer Rouge pour assiéger Israël, selon eux, et le 13 avril, l’Iran a lancé une salve de missiles et de drones contre Israël en réponse à l’assassinat de l’un des ses généraux les plus gradés lors d’un raid sur son consulat à Damas. Avec l’escalade du nombre de morts à Gaza, les relations d’Israël avec ses voisins arabes ont commencé à se détériorer car les relations semblent fragiles en particulier avec l’Égypte qui est située à la frontière de Gaza et craint que la guerre ne s’y étende.»
Les rancunes entre Israéliens se sont approfondies
Quant au front interne, le magazine britannique rappelle que la scène d’unité entre les Israéliens était claire dans les premiers jours qui ont suivi l’opération Déluge d’Al-Aqsa le 7 octobre dernier mais à mesure que la guerre se poursuivait des divisions sont davantage apparues.
Le soutien israélien à l’invasion de Gaza ne s’est pas transformé en soutien au gouvernement de Benjamin Netanyahu qui a provoqué la colère de nombreux Israéliens en s’abstenant d’assumer la responsabilité de l’échec qui a conduit au 7 octobre. De même que les rancunes entre Israéliens se sont approfondies en raison de la controverse sur le partage égal du fardeau de la guerre. Les combats ont intensifié la colère des sécularistes contre les ultra-orthodoxes qui constituent 13% des Israéliens et bénéficient d’une exemption du service militaire.
D’ailleurs, la Cour suprême israélienne a jugé que cette exemption violait la Constitution, ce qui a provoqué la colère des partis religieux qui constituent une composante majeure de la coalition au pouvoir de Benjamin Netanyahu. Le jour du souvenir des soldats israéliens tués depuis 1948, des cris de huées ont interrompu les discours des ministres du gouvernement lors de la cérémonie et les proches des soldats tués à Gaza ont quitté les lieux pendant le discours de Netanyahu au cimetière national.
L’article de The Economist indique que la division de la société israélienne a marqué le cours de cette guerre. Netanyahu a refusé de développer une stratégie pour mettre fin à la guerre et s’est contenté de vagues objectifs tels que «la destruction du Hamas» et «la victoire absolue» parce qu’il est toujours très dépendants de ses partenaires d’extrême droite au sein de la coalition qui ne cachent jamais leur volonté de réoccuper définitivement Gaza et de reconstruire les colonies démantelées en 2005.
Pressions pour écarter Netanyahu du pouvoir
Au cours des premiers mois de la guerre, une écrasante majorité d’Israéliens ont soutenu Netanyahu mais la situation a changé. Selon un récent sondage d’opinion, 62% des Israéliens pensent désormais qu’il est nécessaire de parvenir à un cessez-le-feu temporaire pour libérer les détenus vivants à Gaza et ceci devrait avoir la priorité sur la mise en œuvre d’une opération militaire à Rafah.
Ceux qui manifestaient il y a un an pour protester contre l’amendement du système judiciaire par le gouvernement Netanyahu sont retournés dans la rue; cependant ils n’ont pas réussi à s’entendre sur un message unifié. Certains d’entre eux exigent à tout prix la libération des détenus quand d’autres réclament la fin de la guerre et nombreux sont ceux qui font pression pour que Netanyahu soit écarté du pouvoir.
Aujourd’hui, il est devenu clair que même au plus fort de la guerre, les plus grands défis auxquels Israël est confronté restent ceux qui existent en son sein, selon les mots de The Economist pour qui Israël se déchire.