Marilyn Hacker est poète, enseignante de littérature anglaise et traductrice américaine. Elle est réputée pour sa proximité avec les poètes arabes, qu’ils soient anglophones, francophones ou arabophones et dont elle a traduit des œuvres ou des textes. (Photo de gauche: Alison Harrison).
Née en 1942, dans le Bronx, à New York, Marilyn Hacker s’installe en 2008 en France et partage son temps entre New York et Paris.
Sa poésie est, souvent, narrative, s’inspire du passé familial douloureux et de la tragédie de l’Histoire, aussi, de la vie intime, affective et sexuelle.
Marquée par la poésie française, Marilyn Hacker développe des formes d’écriture originales. Son œuvre poétique est couronnée de nombreuses distinctions.
Quelques titres traduits en français : Fleuves et Retours, trad. Jean Migrenne, Amiot/Lenganey, 1993 ; La rue palimpseste, trad. Claire Malroux, La Différence, 2004; Diaspo Renga, avec Deema Shehabi (Palestine/Koweit), Al Manar, 2010.
Tahar Bekri
Cache-nez de laine et blouson
de cuir pour une sortie dans la rue de Turenne :
C’est un mois de juin comme un autre.
Pleuvait-il encore, à moins que
ce soit de la poussière du chantier d’à-côté
où l’on monte, au rez-de-chaussée,
une belle vitrine chic ;
ou bien que ça vienne des gars sur le toit d’en face ?
Poussière. Un timide soleil
prête un sourire à la façade
ravalée mais un nuage passe qui l’éteint.
Trois Algériens vêtus de jean
attendent à l’arrêt de bus
tandis que tout près de là une Antillaise mince
qui tient une mallette rouge
s’abrite du vent sur le pas
de la porte de la boutique pour enfants riches,
bien trop légèrement vêtue.
Le contrôleur à domicile
de la Sécu frappe poliment chez la voisine
qui le fait entrer poliment.
Pour ce qui est des noms, celui
des nuages est plus logique que celui des fleurs.
Des rosiers tout déchiquetés
par le vent penchent au-dessus
de l’escalier qui descend sur le Quai Saint-Bernard
où il fait trop froid pour aller,
mais les jeunes mariés d’en face
ont un bac à fleurs sur leur fenêtre et des pensées
jaunes mélangées à des mauves.
.
Tiens, voici qu’il pleut. Et qu’il tonne.
De l’orage, pour de bon. Mon bégonia saumon
va-t-il respirer, ou souffrir ?
Traduit de l’américain par Jean Migrenne
Fleuves et retours, Ed. Amiot / Lenganey, Troarn, 1993. (Remerciements à l’auteure).
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