Le président de la république Kaïs Saïed a déclaré dimanche 11 juin 2023 que le Fonds monétaire international (FMI) doit revoir ses propositions pour parvenir à une solution avec la Tunisie, inversant ainsi les positions et les rôles. Explications…
Pour toute négociation avec le FMI, les solutions ne peuvent, en aucun cas, être présentées sous forme de diktats, a-t-il réitéré, ajoutant que les solutions classiques ne feront qu’aggraver la crise sociale et impacter, négativement, la situation en Tunisie et dans toute la région.
C’était au cours de son entretien, au Palais de Carthage, avec la présidente du conseil des ministres Italien Giorgia Meloni, la présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen et le premier ministre néerlandais Mark Rutte.
«Si la Tunisie vit aujourd’hui une situation financière, économique et sociale difficile, c’est que les Tunisiens ont longtemps été victimes des répercussions d’anciennes politiques intérieures, mais aussi extérieures», a insisté le président, ajoutant que «le peuple tunisien qui s’est révolté fin 2010 contre le despotisme et la corruption n’abandonnera pas ses revendications de liberté, ni son droit légitime à l’emploi et à la dignité nationale.»
Evoquant les fonds spoliés, le président de la république a relevé que la Tunisie n’a pas encore récupéré les fonds pillés avant et après 2011, à cela s’ajoutent les crédits détournés, appelant, dans ce sens, à la conversion des crédits en projets d’investissement.
Les solutions à la situation en Tunisie doivent émaner de la seule volonté des Tunisiens, a-t-il encore soutenu. Et d’expliquer en insistant comme à son habitude sur cette thématique de la souveraineté nationale : «La Tunisie n’est pas un dossier international, c’est une question purement nationale et, avec les partenaires, la solution doit être trouvée sur cette base».
En ce qui concerne la question de la migration, le président Saïed a, notamment, appelé à une approche réaliste et collective. «Nos valeurs nous dictent de traiter de façon humaine les migrants irréguliers», a-t-il affirmé avant d’ajouter que, «de point de transit, la Tunisie est devenue une destination. Le séjour des migrants doit être régulier, tout le monde doit respecter le pays et ses lois».
Qualifiant d’inhumaine et d’inadmissible, la proposition avancée, discrètement, par certaines parties d’installer les migrants en Tunisie contre un soutien financier accordé au pays, le président a expliqué que les solutions sécuritaires ont montré leur limite en aggravant la souffrance des victimes de la pauvreté et des guerres. «S’ils avaient les attributs les plus élémentaires d’une vie décente, ils n’auraient pas été une proie facile pour les réseaux criminels», a-t-il souligné.
Evoquant la question des investissements européens en Tunisie, le chef de l’Etat a indiqué que seules la stabilité politique, la paix sociale et l’éradication de la corruption sont capables de les fructifier.
La création de la richesse et la concurrence loyale requièrent l’éradication des réseaux de corruption et des lobbies, a insisté le président, en mettant en avant la nécessité de réunir toutes les conditions propices à l’investissement, laissant ainsi entendre que celles-ci ne sont pas réunies dans notre pays.
En insistant sur cette thématique de la corruption qui, selon lui, est très répandue en Tunisie, on ne peut pas dire que le président de la république va inciter beaucoup d’investisseurs européens à se déployer en Tunisie, au moment où beaucoup d’entre eux sont, implantés en Asie et notamment en Chine, sont en train de chercher des opportunités d’implantation dans la région méditerranéenne plus proche. Si on voulait assécher l’investissement extérieur, on ne serait pas comporté autrement.
En ce qui concerne l’accord avec le FMI, Kaïs Saïed inverse les positions et les rôles : il demande à l’institution financière européenne de «revoir ses propositions» à la Tunisie en vue d’un prêt de 1,9 milliard de dollars, dont l’accord tarde à être finalisé, alors que c’est plutôt la Tunisie qui est censée revoir le programme qu’elle a elle-même proposé depuis deux ans et sur la base duquel elle a pris les engagements de réformes que le président semble rejeter et qu’elle cherche aujourd’hui à remettre en cause… sans faire le moindre pas officiel en ce sens.
La balle est, en réalité, dans le camp de la Tunisie, et non dans celui du FMI, comme le croit ou laisse entendre Saïed, et si l’Union européenne a conditionné son plan de soutien macro-financière de 900 millions d’euros à un accord préalable avec le FMI, c’est qu’elle cherche à faire comprendre aux autorités tunisiennes qu’il n’y aura pas d’aide macro-financière… sans réformes structurelles.
I. B. (avec Tap).
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