L’Espérance de Tunis, une des plus vieilles institutions du sport en Afrique, et doyen des clubs tunisiens, qui avait longtemps lutté, sous le protectorat français, pour ouvrir la pratique du football aux nationaux, vient d’écoper de sanctions extrêmement sévères de la part des instances africaines de ce sport. Excessif, injuste, tendancieux…
Pr.Mondher Azzouzi *
De prime abord, les sanctions paraissent justifiées. Le déclenchement, à la mi-temps du match des quarts de finales opposant l’Espérance de Tunis à la JS Kabylie, d’un incendie à proximité du «virage» de la célèbre Curva espérantiste a tout d’un acte criminel. Les violences commises par une infime partie du public le sont tout autant. Certains objets dangereux brandis par certaines personnes n’ont pas leur place dans l’enceinte d’un terrain de football. Les pompiers qui ont tardé à intervenir et les images de désordre qui ont tourné en boucle dans beaucoup de médias ont fait monter la sauce.
C’était certes très choquant pour ne pas desservir l’équipe qui reçoit. Surtout que les supporters de l’équipe hôte se sont mis, eux aussi, de la partie, en lançant des fumigènes sur le terrain et en provoquant les forces de l’ordre, les obligeant à intervenir pour rétablir le calme. Ce qui a été assimilé, à tort, à une agression du public hôte par les supporters locaux.
Cela dit, les officiels de la CAF n’ont pas cru devoir arrêter le match car les faits, bien que graves, se déroulaient en dehors du terrain.
La sanction était prête
Aussi, et mis à part le retard accusé pour la reprise de la partie, estimé à moins d’une demi-heure, si on prend en considération le temps imparti à l’échauffement des joueurs, on n’a déploré aucun dégât physique ou matériel notable. Il n’y a pas eu de blessés parmi les joueurs des deux équipes, ni les supporters ni les officiels qui arpentaient le terrain pour examiner les éventuels dégâts.
Il était donc parfaitement visible que la CAF était déterminé à sanctionner le public espérantiste qui, dans son écrasante majorité, et malgré la mauvaise réputation qu’on veuille lui coller, s’était tenu à distance de ce qui se passait aux environs du stade. Il était lui-même surpris et ne comprenant rien à ce qui se tramait devant ses yeux. Pas un fumigène ni un projectile ni même une bouteille vide n’ont été lancés sur le terrain. Les officiels ont pu s’approcher de très près du «virage» des supporters espérantistes, comme jamais ils n’auraient été en mesure de le faire dans d’autres enceintes du continent.
Il reste cependant à connaître le contenu du rapport remis par les officiels de la CAF présents à Radès ce soir-là et sur la base duquel sa commission de discipline, censée être impartiale et juste, avait prononcé des sanctions aussi sévères à l’encontre du club tunisois. De mauvaises langues diront que le «jugement» de cette instance, qui sait faire du «sur mesure», était sur le bureau du président sud-africain, depuis le tirage au sort des quarts de finale, et n’attendait qu’un prétexte pour être annoncé. Je n’en veux pour preuve que l’attitude souvent partiale de cette instance, surtout lorsqu’il s’agit de sanctionner l’Espérance, et de fermer les yeux sur les abus dont elle est parfois victime de la part de ses adversaires.
A notre connaissance la CAF n’a pas sanctionné le Wydad Casablanca par deux ans de suspension lorsque son équipe s’est retirée du terrain et refusé de terminer une finale perdue sur le terrain, à Radès, contre l’Espérance. A-t-elle sanctionné le Zamalek du Caire lorsque la vie des joueurs du Club Africain de Tunis avait être mise en danger par l’envahissement du terrain par des milliers de spectateurs cairotes ? Plus récemment, a-t-elle sanctionné Al-Ahly d’Égypte ou le Raja de Casablanca de manière proportionnelle aux évènements graves survenus sur le terrain ainsi que dans les gradins et qui ont causé la mort d’une personne suite aux accrochages entre supporters ?
Des faits extra-sportifs
Les événements ayant émaillé le match de quart de finale opposant l’Espérance à la JSK n’impliquaient nullement la direction du club tunisois ni son staff technique ni ses joueurs ni même ses supporters, y compris les ultras parmi eux. Quant au match lui-même, il était sans grand enjeu. Ceci est clairement établi et ne pas le reconnaître reviendrait à faire preuve de mauvaise foi.
Pour le reste, il s’agit de faits extra-sportifs qu’on a utilisés pour clairement nuire à l’intérêt du club espérantiste et favoriser ses adversaires marocain, égyptien et sud-africain, demi-finalistes comme lui de la Ligue des Champions, et qui sont fortement et très utilement représentés dans les instances de la CAF.
Si elle était un tant soit peu crédible et honnête, la CAF aurait dû traiter le problème avec les autorités tunisiennes à travers la Fédération tunisienne de football (FTF), dont le bureau boiteux est dirigé par Wadii El-Jarii, un homme trop ambitieux, plus soucieux de ses propres intérêts que de ceux du football tunisien.
Résultat des courses : l’Espérance, amoindrie par la blessure de la plupart de ses cadres, va devoir jouer ses prochains matchs de la Ligue des Champions à domicile à huis-clos. Le résultat est presque connu d’avance, à moins que les joueurs espérantistes, blessés dans leur amour propre, ne parviennent à relever le défi, en allant jusqu’au bout de la compétition. Ainsi, ils vengeraient sur le terrain, et non dans les bureaux de la CAF au Caire, leur honneur et celui de leurs fidèles supporters.
* Cardiologue à Lyon.
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