Le soulèvement du ghetto juif de Varsovie, en 1943, avait tenu deux mois contre les Nazis. Celui des Palestiniens de Gaza tient depuis plus deux mois face à l’armée israélienne . Et ce n’est pas fini. Deux médecins ont marqué ces deux événements de leur empreinte : Dr Mark Edelman et Dr Nasr Imad Almadhoun.
Par Dr Mounir Hanablia
Si on oublie Gaza, celle-ci ne manque pas de se rappeler à notre souvenir. La récente photo diffusée sur les réseaux sociaux d’un combattant palestinien, le Dr. Nasser Imad Al-Madhoun, se rendant à l’armée israélienne en soulevant son fusil au dessus de la tête a été accompagnée d’une autre photo supposée être du même individu, cette fois en blouse blanche avec un stéthoscope autour du cou.
L’armée israélienne aurait pu prétendre que les médecins servaient de boucliers humains ou qu’ils étaient pris en otages tout comme les femmes et les enfants, ainsi qu’elle ne cesse de le répéter depuis le début du conflit. Elle ne l’a pas fait parce qu’elle voulait faire passer un autre message.
Le sous entendu est ici clair : les médecins capturés à Gaza ne sont en réalité que des vulgaires terroristes qui se réfugient derrière les conventions de Genève sur la protection du personnel soignant pour mener leur combat contre les forces d’occupation.
Ce faisant, les attaques et les destructions des institutions sanitaires à Gaza ainsi que les assassinats du personnel médical et paramédical travaillant dans les agences de l’Onu seraient imposées par les nécessités de la guerre, des nécessités légitimes selon l’armée et le gouvernement israéliens.
Pertes sans précédent infligées au personnel soignant
Or il y a quelques jours, le secrétaire général de l’Onu António Guterres se plaignait justement des pertes sans précédent infligées au personnel de l’Onu, en particulier soignant, à Gaza durant les attaques délibérées contre les locaux de leurs institutions, et même d’assassinats ciblés contre ce personnel.
Israël qui n’a jamais été signataire des dites conventions de Genève sur les lois de la guerre sous le prétexte que ses propres lois y pourvoient amplement vise ainsi un autre but, discréditer totalement l’Onu et du même coup l’UNRWA, l’agence internationale qui finance les besoins des camps de réfugiés palestiniens et qui est désormais assimilée à une officine terroriste. En supprimant l’UNRWA l’Etat sioniste pense fermer les camps, disperser les réfugiés dans les pays arabes et ailleurs, et régler ainsi définitivement le problème palestinien. Et il ne s’agit pas d’une idée aussi délirante qu’il n’y paraît depuis que de nombreux pays arabes ont pris le train des accords d’Abraham et ont établi des relations diplomatiques avec l’Etat sioniste. La guerre actuelle à Gaza en est la conséquence inévitable.
Pendant des années les pays arabes avaient mis comme condition à la paix le règlement du conflit palestinien par le biais de la solution à deux Etats, les sionistes posant comme préalable à toute discussion la préservation du caractère juif du leur. L’abandon de cette exigence de l’Etat palestinien, désormais aux yeux des Etats du Golfe secondaire par rapport à la montée en puissance de l’Iran et au danger chiite, a donc ouvert la voie aux stratèges israéliens pour tenter de fermer définitivement, et à leur manière expéditive, le dossier palestinien. L’aviation d’un des États du Golfe participerait à ce qu’on dit directement aux combats à Gaza mais en l’absence de preuve formelle, rien ne permet de le confirmer.
Pour en revenir aux photos du médecin en question, rien ne permet d’affirmer qu’il s’agisse bien du même individu, et dans ce cas, il peut très bien avoir été obligé de brandir l’arme placée de force entre ses mains. Il reste à savoir si un médecin a ou non le droit de se battre les armes à la main contre une armée d’envahisseurs sauvages qui ne respectent pas les lois de la guerre.
Un précédent célèbre que les sionistes n’apprécieront sans doute pas en m’accusant d’antisémitisme est celui d’un ultérieurement médecin juif du ghetto de Varsovie qui en 1944 en dirigea l’insurrection, mon collègue le Dr Marek Edelman, qui devint plus tard cardiologue, après avoir fui par les égouts le ghetto en feu.*
Est-il interdit aux médecins de porter des armes ?
Eu égard au droit international, il n’y est fait aucune mention d’une quelconque interdiction de porter les armes pour les médecins. Le seul devoir clairement mentionné est de traiter tous ceux qui le nécessitent, même ennemis, de ne pas les abandonner, et de les défendre.
Dans le cas du Dr Al-Madhoun il faut se souvenir que tous les hôpitaux avaient été détruits, tous les centres sociaux de l’UNRWA bombardés et saccagés, et que l’embargo imposé par l’armée israélienne d’occupation avait privé tous les habitants des médicaments nécessaires et des soins les plus élémentaires.
Dans ces conditions, que ce médecin ou plusieurs autres aient décidé de prendre les armes pour défendre leur pays serait parfaitement légitime. Après tout, il ne portait pas de blouse blanche lorsqu’il a été pris, ce qui lèverait toute équivoque. Mais tout cela semble cousu de fil blanc. Et après tout, tout comme les combattants du ghetto de Varsovie le savaient, ceux s’opposant à l’armée israélienne n’ignorent pas que, capturés, ils seront inévitablement torturés puis exécutés. C’est pour cela que les photos de redditions de combattants par l’armée israélienne ne peuvent être assimilées qu’à un exercice de propagande sioniste, aussi inefficace que son armée face à un adversaire insaisissable.
Le ghetto de Varsovie avait tenu deux mois contre les Nazis. Gaza détruite tient depuis plus deux mois face aux forces sionistes. Et ce n’est pas fini.
* Médecin de libre pratique.
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