On en revient toujours à la même question: pourquoi le peuple palestinien, le vrai descendant des vrais juifs, entretemps arabisés et convertis à l’islam, devrait il perdre ses droits au profit de la treizième tribu, celle qui vient de la Volga et de la Caspienne ?
Par Dr Mounir Hanablia *
Le livre d’Arthur Koestler ‘‘La treizième tribu’’ est dérangeant pour les sionistes, mais pas seulement pour eux. **
On ne peut pas parler des Khazars en omettant de mentionner les historiens bigarrés qui s’y sont intéressés et en sont devenus les spécialistes. John Boyd Dunlop fut un écossais fils d’un pasteur du XIXe. Et Abraham N. Poliak, ce juif ukrainien, finit dans les camps d’extermination allemands.
Le plus extraordinaire fut Zaki Walidi ce Bachkir originaire de la région de Kazan sur la Volga devenu un membre éminent de la direction du parti Bolchevik russe en compagnie de Lénine et de Trotski avant de se réfugier en Perse puis en Turquie et de devenir un collaborateur de Kemal Atatürk. Il démissionna de son poste de professeur lorsqu’on voulut enseigner aux enfants que les Turcs avaient civilisé le monde. Il se réfugia à Vienne puis Berlin pour retourner en 1938 à Istanbul où il termina sa vie de professeur universitaire.
Un peuple singulier
Zaki Walidi fut l’un des grands spécialistes de l’histoire des Khazars, ce peuple turc dans le sens de l’appartenance au groupe nomade turc dont l’origine se situe en Mongolie au nord de la Chine, qui entre le VIIe et le Xe siècle de l’ère universelle constitua un empire en dominant les bassins du Don et de la Volga jusqu’à l’Oural, la Crimée, le Caucase et toute la région de la mer caspienne. Les Arabes essayèrent à plusieurs reprises de forcer le passage du Caucase par la passe de Derbent afin de contourner le bastion byzantin par la mer Noire. Durant plus d’un siècle des batailles incessantes furent menées d’abord par les Omeyyades puis les Abbassides contre les Khazars mais sans résultats décisifs. Ces derniers contre-attaquèrent même en 741 dans le Kurdistan jusqu’au nord-est de Mossoul avant d’être stoppés et de refluer.
Les Khazars prirent à revers les Arabes à chaque fois qu’ils menaçaient d’emporter leur alliée Byzance dont ils assurèrent ainsi la survie. Et les Califes Abbassides tentèrent de leur côté d’obtenir l’alliance des Bulgares de la Volga, dans le même but, prendre à revers les Khazars, et ils envoyèrent pour cela l’ambassadeur Ibn Fadlan. Mais deux évènements importants devaient marquer le destin de ce peuple singulier.
Le premier fut la conversion au judaïsme au VIIIe siècle de leur famille royale dans un souci d’indépendance vis-à-vis de l’islam et du christianisme, selon les historiens. Dès lors, ils eurent l’honnêteté de se définir comme les fils de Japhet, et non pas des sémites fils de Sem, ainsi que le prétendent nos sionistes contemporains.
Le second fait marquant fut l’irruption en mer Noire des Rhus, ces Vikings en provenance du Nord, par le fleuve Dnieper, leur installation à Kiev, puis leur conversion au christianisme. Les Byzantins en s’alliant avec eux crurent agir au mieux de leurs intérêts au nom de la realpolitik. En réalité les Khazars avaient tenté d’entraver la progression des Rhus en créant une ville, Sarkel, sur le Don, à son point le plus proche de la Volga, et en demandant à leurs tributaires, les Hongrois, de s’installer sur la rive droite du Don. Cependant ces derniers, repoussés par une autre peuplade turque, les Coumans, et guidés par une tribu dissidente khazare, les Kabars, choisirent d’émigrer vers l’Ouest où ils finirent par s’installer dans ce que l’on nomme aujourd’hui la Hongrie. Dès lors ce pays fut marqué à ses débuts d’une forte empreinte juive.
Après cela, la ville de Sarkel sur le Don, affaiblie sur son flanc ouest dégarni, fut prise par les Rhus à la fin du Xe siècle, et leur capitale Itil située à l’embouchure de la Volga tomba vers 1015. Mais si l’empire Khazar disparut, le pays persista jusqu’au XIIIe siècle avec l’arrivée des Mongols de Genghis Khan. Après cela les Khazars se dispersèrent en Ukraine, dans le sud de la Russie, en Pologne et en Lituanie et ils constituèrent les communautés juives de l’est européen jusqu’en Autriche et de la Russie.
Une double supercherie
Pourquoi ces communautés parlèrent-elles le yiddish, ce sabir d’hébreu mâtiné d’allemand et de slave? Probablement du fait de la place éminente accordée aux émigrés de souche allemande en Pologne et en Bohême particulièrement et qui fit de la langue allemande celle des affaires. Mais dans les années 1960, on estimait que leurs descendants constituaient 90% de la population juive mondiale, et d’eux ont été issus les migrants partis coloniser la Palestine au nom de l’idéal sioniste.
Ainsi le rêve sioniste s’est il matérialisé à partir d’une double supercherie, celle du retour d’un peuple dans une patrie qui en réalité n’avait jamais été la sienne qui qualifiait d’antisémites tous ceux qui lui contestaient ce qu’il considère comme un droit. Et si les Arabes ne purent conquérir Byzance et dominer le monde, ce n’est pas à cause de la valeur militaire des Byzantins mais parce qu’ils ne purent surmonter la bravoure de guerriers turcs primitifs qui déféquaient et copulaient en public, trouvaient appétissants les poux dont ils se gavaient, et s’enivraient en buvant dans les crânes recouverts d’or de leurs ennemis vaincus; des guerriers qui devinrent juifs après la conversion de leur roi au judaïsme.
Il faut peut-être chercher les causes du comportement criminel de l’armée israélienne à Gaza et dans les territoires occupés, outre l’origine véritable de la majorité de ses soldats, dans la névrose compulsive d’une population massacrée durant la Shoah pour avoir été à tort considérée comme étant sémite, du fait de son judaïsme.
Naturellement, l’écrivain Arthur Koestler ne rattache pas la création d’Israël à des droits bibliques, mais à une décision de l’Onu. Certes ! Les tribus juives n’étaient que douze. Mais on en revient toujours à la même question: pourquoi le peuple palestinien, le vrai descendant des vrais juifs, devrait il perdre ses droits au profit de la treizième tribu, celle qui vient de la Volga et de la Caspienne ?
* Médecin de libre pratique.
** Dans ce livre, Koestler défend, en se référant aux travaux de l’historien israélien Abraham N. Poliak, la thèse selon laquelle les Juifs d’Europe de l’Est et leurs descendants, c’est-à-dire les Ashkénazes, ne descendent pas (ou peu) des anciens Israélites, mais principalement des Khazars, un peuple originaire de la région du Caucase du Nord qui a été converti au XIIIe siècle au judaïsme et aurait migré plus tard vers ce qui est aujourd’hui l’Europe de l’Est, sous la pression de tribus nomades venues d’Asie centrale.
‘‘La treizième tribu : l’Empire khazar et son héritage’’, de Arthur Koestler, Tallandier éditions, 06.02.2020, 315 pages.
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