Perspectives de l’algoculture en Tunisie et dans le monde

En Tunisie, l’exploitation des algues est encore naissante, mais le potentiel est immense grâce à une biodiversité marine riche et des conditions climatiques favorables. Aussi, est-il crucial de développer la recherche, la vulgarisation le financement et les partenariats public-privé en vue développer la culture des espèces qui le sont déjà et diversifier la gamme de celles-ci en fonction de la demande du marché mondial. (Ph. Fethi Belaïd- AFP).

Tarek Kaouache  

L’édition 2024 de l’évènement Aquaculture Africa qui se tiendra du 19 au 22 novembre à Tunis sous le thème «L’agriculture bleue : de nouveaux horizons pour la croissance économique», pourrait constituer un moment clé pour souligner l’importance croissante de l’algoculture (culture des algues) des points de vue économique, social et environnemental tant pour la Tunisie que pour l’ensemble du continent africain et de positionner la Tunisie comme leader régional dans ce secteur innovant.

Rappelons que fin mai 2024, l’ex-ministre de l’Environnement, Leila Chikhaoui, a annoncé le lancement de la synthèse de la «Feuille de route relative à l’économie bleue» et de la «Stratégie littoral sans plastique» élaborées avec l’appui de la Banque Mondiale pour répondre aux enjeux et priorités fixés par la Tunisie et les Nations Unies dans ces domaines.

Le concept d’agriculture bleue, centré sur une gestion durable des ressources marines, prend de l’importance dans les stratégies de développement durable. Parmi les nombreuses opportunités qu’elles présentent, les algues se distinguent comme des ressources polyvalentes et prometteuses, capables de répondre de manière innovante et durable à des défis majeurs actuels sur les plans social, environnemental, et économique.

Un marché mondial en pleine expansion

Selon le «Rapport mondial sur les nouveaux et émergents marchés des algues 2023» du « Groupe Banque Mondiale, l’algoculture se distingue par sa capacité à capturer le CO2, à soutenir la biodiversité marine, à offrir des emplois (en particulier pour les femmes) et à créer des chaînes de valeur durables.

Avec un potentiel de croissance énorme, «l’alguoculture pourrait contribuer à construire un monde sans pauvreté tout en préservant notre planète». Le rapport en question estime qu’il existe un potentiel de croissance supplémentaire de 11,8 milliards de dollars US pour les marchés mondiaux des algues d’ici 2030, bien que de nombreuses opportunités restent encore sous-exploitées.

Selon le même rapport, le marché reste pour l’instant dominé par quelques pays asiatiques qui produisent 98% des algues cultivées mondialement mais les opportunités de croissance restent élevées dans de nombreuses autres régions et pour diverses applications.

Atouts environnementaux, économiques et sociaux

Ainsi, selon le rapport ci-dessus, l’algoculture serait au cœur du développement durable dans ses dimensions économique, sociale et environnementale.

Au niveau économique, les algues offrent une opportunité de diversification des revenus, dépassant les régions côtières grâce à la culture de certaines espèces de microalgues en eau douce. En aquaculture, les macroalgues constituent une source renouvelable de biomasse, transformable en une large gamme de produits, allant des aliments et compléments alimentaires de grande qualité nutritionnelle destinés tant aux humains qu’aux animaux d’élevage, des additifs alimentaire, des produits pharmaceutiques et cosmétiques, des matières plastiques, des biocarburants, et d’autres produits industriels à haute valeur ajoutée permettant non seulement de générer des revenus supplémentaires, mais aussi de diminuer la dépendance aux ressources traditionnelles.

Au niveau environnemental, les algues jouent un rôle crucial dans la séquestration du CO2 et la réduction de la pollution marine. Elles absorbent les nutriments excédentaires dans les eaux côtières, atténuant ainsi les problèmes de zones mortes caractérisées par un manque d’oxygène vital pour la vie marine et participent activement à la protection des littoraux contre l’érosion, contribuant ainsi à la préservation des écosystèmes côtiers et la biodiversité marine.

Au niveau social, l’algoculture offre des opportunités significatives de création d’emplois, particulièrement au niveau de la production primaire (culture et séchage) essentiellement pour les femmes, que pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur dans les domaines de la recherche et l’innovation, la vulgarisation, la transformation, le conditionnement et la commercialisation. Pour les pays en développement, cette technologie peut renforcer la sécurité alimentaire en proposant une alternative locale aux produits importés, tout en assurant une alimentation de haute qualité nutritionnelle aux populations locales. Par ailleurs, en contribuant à la réduction de la pollution marine, elles sauvent une source de revenus essentielle pour de nombreux pêcheurs artisanaux.

Situation de l’algoculture en Tunisie

Depuis une vingtaine d’années, diverses recherches ont été menées en Tunisie sur les techniques de culture et les utilisations avérée et potentielles des algues. Cela a conduit à la création d’un certain nombre d’entreprises, notamment dans le domaine des microalgues comme la spiruline bio, qui améliore le tonus et la vitalité et renforcer les défenses naturelles, avec près d’une dizaine de microentreprises selon le Centre technique de l’aquaculture.

En ce qui concerne les macroalgues, une entreprise située à Ben Arous emploie plus d’une centaine de femmes, tant au niveau de l’unité de transformation et de conditionnement que dans la culture primaire, principalement réalisée dans une lagune près de Bizerte et d’autres pays du bassin méditerranéen et de l’océan indien.

En Tunisie, l’exploitation des algues est encore naissante, mais le potentiel est immense grâce à une biodiversité marine riche et des conditions climatiques favorables. Aussi, est-il crucial de développer la recherche, la vulgarisation le financement et les partenariats public-privé en vue développer la culture des espèces qui le sont déjà et diversifier la gamme de celles-ci en fonction de la demande du marché mondial.

Pour conclure, les algues, peuvent devenir un pilier non seulement de l’économie bleue conventionnelle mais aussi de l’économie sociale et solidaire, avec des retombées positives sur l’environnement, l’économie et la société et méritent, à ce titre, une attention particulière dans le cadre de l’évènement Aquaculture Africa 2024.

Ressources et références

Banque Mondiale Blog – «L’algoculture : un secteur prometteur pour une croissance durable»

Banque Mondiale – « Rapport mondial sur les marchés nouveaux et émergents des algues 2023 »

Equal Times – « La culture des algues, une opportunité de développement pour les populations pauvres d’Asie »

UNCTAD – « Enormes potentiels dans l’exploitation des algues marines : économiques, climatiques mais aussi en faveur de l’égalité entre hommes et femmes »

Global Dev – « L’industrie de la culture d’algues face aux problèmes génétique »