Depuis le début de la saison, l’Inter de Milan resplendit sur le championnat italien. Il va jusqu’à impressionner en Champions League. Une accession à un statut de favori de bien des pronostics qui s’étendent du général au particulier, du collectif à l’individuel. Avec un détail méritant que l’on s’y attarde : le rôle de la passe décisive et son auteur.
Par Jean-Guillaume Lozato *
Régulièrement en tête depuis plusieurs semaines, la formation milanaise résiste et intimide y compris lorsque sa puissance en arrive à se voir contestée par une vieille rivale de toujours : la Juventus. Le match de dimanche a livré un débat intéressant. Evénement au cours duquel la Juventus a ouvert le score, chez elle, par l’entremise de Dusan Vlahovic consécutivement à un travail d’Enrico Chiesa. Ce dernier ayant improvisé un une-deux suite à une interception du Croate. Une action qui a mis en lumière les capacités piémontaises à bousculer des Lombards lesquels, conscients des forces adverses mais aussi des leurs, ont su réagir une dizaine de minutes plus tard avec l’égalisation de Lautaro Martinez.
Les deux équipes n’ont pas démérité et le 1-1 a semblé mettre tout le monde d’accord. L’Inter est premier de la Serie A avec trente-deux points. La Juventus est postée juste derrière à deux petites unités.
Une équipe qui sait s’exporter
Ensuite, c’est en déplacement dans le cadre de la Ligue des Champions que les représentants de la capitale économique italienne ont une fois de plus enseigné quelque chose aux spectateurs – ainsi qu’aux adversaires ! – en matière d’efficacité.
Au Portugal, cette fois. Le Benfica a mené 3-1 mais les visiteurs d’un soir ont su réagir face à une équipe comptant quand même Joao Mario, Nicolás Otamendi, Antonio Silva, Rafa Silva, Angel Di Maria. C’est d’ailleurs ce dernier qui a déclenché un tir magistral obligeant le gardien italien Audero à déployer toute son envergure dans l’élaboration d’une claquette en guise de sauvetage. Avec une «majestuosité» similaire à celle du Stanley Menzo, vainqueur de ce que l’on appelait encore la C1 en 1988 avec le PSV Eindhoven. Une équipe qui présentait une particularité: celle de mettre en danger ses adversaires grâce aux touches longues de son défenseur belge Eric Gerets.
Finalement, la remontada a eu lieu entre-temps : 3-3. Avec de très bonnes actions signées Darmian et Frattesi, auteur du second but «nerazzurro».
Un souci du détail
Ce qui frappe les observateurs en observant ces deux oppositions consécutives, c’est l’hétérogénéité des groupes. Bien que le schéma tactique du 5-3-2 ait été pratiquement autant appliqué (un pur 3-5-2 en Italie; un 3-1-4-2 fluctuant vers le 3-5-2 selon que Davide Frattesi soit couvert ou non derrière lui par l’Albanais Kristjian Asslani au Portugal), les acteurs sur les deux matches ont été variés. Au niveau du temps de présence (Barella entrant en cours de jeu). Au niveau de l’absence tout simplement (Calhanoglu était aligné en Italie, mais pas au Portugal).
Une identité stratégique, plus qu’une culture tactique, a été dispensée par l’entraîneur Pippo Inzaghi. Lui permettant le luxe de faire reposer une partie de l’effectif en pleine joute européenne, en vue du très prochain duel avec le Napoli.
L’Inter compte souvent sur son couloir gauche pour «verticaliser» le jeu quasi exclusivement par Di Marco. Tandis que le couloir droit sert davantage à la conservation de balle, aux une-deux entre Nicolò Barella et Marcus Thuram ou entre Barella et Hakan Çalhanoğlu. D’où des centres, des centres-tirs ou des passes diverses se muant en passes décisives. Avec des avant-centres comme le Français Thuram (auteur de 6 «assist» en championnat) et l’Argentin Martinez qui ont assimilé cet état d’esprit ou l’on peut se présenter en tant que buteur-passeur ou l’inverse.
Cette arme avait réussi à l’attaquant soviétique Igor Belanov pendant l’Euro 88 (déjà quatre buts et cinq passes décisives au «Mundial» 86), lui ayant permis de compenser son manque de buts en délivrant trois ballons convertis positivement par ses coéquipiers. Faisant la différence par rapport aux autres équipes nationales convoquées alors, jouant sur les remises en jeu longues comme l’Irlande avec Michael Joseph McCarthy ou Chris Mac Grath.
L’hiver va bientôt prendre ses droits. Et il se pourrait que l’Inter ait engrangé assez de combustible pour le passer au chaud.
L’astre milanais brille mille feux
Ces dernières semaines, les fonctions se sont précisées dans l’orchestre «interista». Chaque membre y va de son talent individuel en matière de transmission de balle dans la symphonie milanaise conduite par le maestro turc Calhanoglu. Pourrait-on se mettre à imaginer une finale Inter-Real ou Inter-Bayern ?
Nous n’en sommes pas encore là. Côté supporters à la rigueur.
Pour le moment, la galaxie de la Ligue des Champions brille de mille feux qui se mesurent entre eux au fur et à mesure d’une compétition relevée. L’astre milanais doit veiller à d’abord éclairer son itinéraire avant de penser à aveugler les autres.
En football, on peut passer très vite du rayonnement à l’âge glaciaire. En tant que joueur comme c’est le cas de Mauro Icardi, excellent à l’Inter mais qui a eu un peu plus de mal ces derniers temps avec sa nouvelle équipe le Galatasaray. Et Icardi ça ressemble à Icare…
Si on veut continuer à jouer les devins, revenons sur le chiffre 88. C’est justement l’année où la France à peine orpheline de Michel Platini a sombré dans une période récession footballistique marquée. Le temps où l’Italie est revenue sur le devant de la scène. 88 ça a été longtemps le numéro floqué sur le maillot de Pasalic à l’Inter. Alors, déclic ?
Ayons la sagesse de nous exfiltrer de ces suppositions quasi-ésotériques. Constatons directement que le jeu croisé de l’Inter sur le terrain nous donne à voir quatre potentiels candidats au titre de meilleur passeur décisif de l’Euro 2024. Il s’agit de Federico Di Marco en tout premier lieu et Denzel Dumfries (aussi incisif en club qu’en sélection) favoris pour la première place. Suivis de Thuram, Barella et enfin de Calhanoglu qui officie un peu à la façon d’un Antonio Candreva lorsqu’il évoluait… à l’Inter.
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